13 mars 2014

Bananiers et bananes








   Certains arbres n'ont pas besoin d'être décrits; à la simple évocation de leur nom, tout le monde sait bien à quoi ils ressemblent. Le bananier, à l'instar du palmier, évoque immédiatement les tropiques. Bras pendants de feuilles aux limbes déchirées, il est synonyme d'exotisme pour les habitants des zones tempérées là où il représente plutôt l'agriculture et l'enjeu alimentaire pour ceux qui le côtoient régulièrement en zone intertropicale.







   En fait le bananier n'est pas un arbre mais une immense plante vivace, dépourvue de bois, au tronc formé de gaines foliaires emboitées. Cette plante géante serait arrivée en Afrique il y a 2000 ans depuis l'Asie mais certaines recherches tendent à démontrer une arrivée plus précoce au-delà de 4000 ans avant nous.






   On trouve de nombreuses variétés de bananiers et donc de bananes. Les Baoulés en Côte d'Ivoire appellent «banane doigt » une petite banane mince qui fait référence aux orteils des prostituées qui ne sont pas déformées par les longues marches et le travail des champs. Une autre variété, la banane Gros Michel , est cultivée au XIXe siècle un peu partout dans le monde et connait un immense succès commercial avant de sombrer à cause d'un champignon encore incurable qui décime la plante. On la trouve encore aujourd'hui dans quelques pays dont la République Démocratique du Congo. Son succès était lié à son goût sucré car en occident la banane est plutôt considérée comme un dessert. Cependant, on distingue une autre catégorie de bananes, les bananes à cuire, qui incluent les bananes plantains et se mangent comme plat de résistance. Dans la région des Grands Lacs et particulièrement en Ouganda, le Matooke (ou matoke, qui se prononce matoké), une banane plantain des régions d'altitude, se consomme sous forme de purée au nom éponyme. Dans les archives de la FAO (Organisation des Nations Unis pour l'alimentation et l'agriculture) on peut lire qu'en Ouganda la consommation annuelle de banane était en 1996 de 243kg par habitant! Au Rwanda, au Gabon et au Cameroun cette consommation varie entre 100 et 200 kg et à titre de comparaison, elle était entre 1998 et 2000 de 3 kg dans la fédération de Russie et de 5 kg en Chine.





   Toujours en Afrique de l'Est, principalement au Burundi, Ouganda, Rwanda, Tanzanie et RD Congo on trouve de la bière produite à base de banane telle que la Soma Burundi, lancé officiellement le 21 décembre dernier par le deuxième vice-président du Burundi.







   La forme et la grosseur de la banane lui ont donnée une symbolique érotique que l'on retrouve dans à peu près toutes les cultures. Au Cameroun par exemple, on dit d'une femme enceinte qu'elle a avalé une banane (en référence au sexe de l'homme assimilée au fruit). Si certaines de ses propriétés participent à la production d'hormones sexuelles, les vertus aphrodisiaques qui lui sont parfois attribuées seraient plus légendaires qu'avérées.

L'importance alimentaire de ce fruit l'a érigé en un vrai mythe et il inspire un grand nombre de coutumes. Au Rwanda, dans les bibles traduites dans la langue locale (kinyarwanda), la bananeraie a remplacé la vigne, le raisin étant inexistant dans ces régions. Le bananier plantain est par ailleurs appelé musa paradisiaca, bananier du paradis ou figuier d'Adam car, selon certaines croyances chrétiennes d'Asie du sud-est, c'est la banane et non la pomme qui est le fruit défendu qu'Ève offrit à Adam.
Léon l'africain, en parlant du bananier, écrit en 1556 « Les docteurs musulmans rapportent que c'est ce fruit que Dieu interdit à nos premiers parents de manger. Lorsqu'ils l'eurent consommé, ils couvrirent leurs parties sexuelles avec les feuilles de cet arbre qui sont, en effet, tout particulièrement aptes à cet usage. »