11 août 2014

Le lion

   À l'ombre d'un acacia, repu par 20 kilos de viande de buffle, un sphinx à la gueule largement ouverte baille. Avec sa crinière éclatante et ses yeux dorés brillants, c'est un soleil qui s’assoupit dans la savane. Le plus grand carnivore d'Afrique ne laisse personne indifférent ; dans son milieu certes les mammifères qui sentent sa présence se dressent prêts à cavaler pour échapper aux griffes impitoyables, mais les hommes, qu'ils partagent ou non son quotidien, lui prêtent également une place de choix dans le monde animal et regardent avec fascination ce roi des animaux, ce félin solaire.





Tantôt serein et nonchalant, tantôt agressif et sanglant, le lion est un animal symbolique et mythologique dans toute l'Afrique. Il est utilisé dans de nombreux proverbes, illustre les contes, fleurit les récits de prouesses guerrières. Noble pour certains, il n'en est pas moins vulnérable pour d'autres et sujet aux tracas des souris ou des éléphants. Néanmoins, son rugissement et sa démarche fière sont craints à peu près partout où il réside. Si le lion et la lionne sont vus chez les Bambaras du Mali comme symbole divin d’instruction et d'enseignement, le lion de Juda en Éthiopie symbolise plutôt la force conquérante. Cet emblème de la dynastie royale éthiopienne exhibait fièrement sa tête couronnée sur le drapeau du pays jusqu'en 1974 à la mort de son dernier empereur Haïlé Sélassié.




Si le lion et sa femelle sont de grands chasseurs, ils sont également de grands chassés. Les Massai qui les côtoient sur les grandes plaines Est-africaines sont régulièrement amenés à défendre leur bétail contre les grands félins. Ils ne sont pas les seuls à protéger leurs troupeaux, il fut un temps où dans toute l’Afrique les éleveurs se défendaient du lion. Ce n'est pas une routine de livrer un duel avec le plus grand chasseur d'Afrique. Le combat est en général entouré de rituel, de magie et de sorcellerie et s'inscrira dans les légendes traditionnelles.




Les africains ont, de manière générale, des raisons plutôt légitimes d'affronter le lion alors que les occidentaux chassent cruellement cet animal mythique par simple loisir. En mars dernier des manifestations ont eu lieu en Afrique du Sud et un peu partout dans le monde pour protester contre ce que les anglais qualifient de « chasse en conserve » (canned hunting). Pour cette traque au pays de Nelson Mandela, les lions sont élevés en cage, ils sont affamés peu de temps avant d'être relâchés dans un espace qui leur est totalement étranger et échappent ainsi très difficilement aux balles des chasseurs. Plus de la moitié des individus qui se livrent à cette activité sont des américains, et environ 40 % des européens. Les os de lion seraient vendus 1000 dollars la carcasse en Asie avant d'être revendus en fraude sous forme de gâteaux d'os de tigre à 1000 dollars les 100 grammes...
Mais comme dit le célèbre proverbe : « Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur. »




 
Si les cibles ne sont pas les riches chasseurs occidentaux mais d'infortunés africains, les humains paient également un tribu au lion qui se repaît occasionnellement de leur chair. En 2004, un jeune lion tanzanien aurait favorisé dans son régime la viande humaine à celles plus coriaces du buffle et d'autres ongulés car il souffrait d'un abcès dentaire contraignant pour la mastication.

Aujourd’hui, la présence du lion dans une région est le signe de son caractère sauvage et de son intégrité naturelle. Il est un tracas pour les éleveurs, mais de part son attrait touristique il est également une manne pour les pays qui l'abritent. Ainsi, comme pour la plupart des grands mammifères sauvages, sa préservation et la gestion de son milieu sont devenues un enjeux économique et emblématique. Espérons que cette double dimension assurera une certaine prospérité au grand félin africain.